Le Comité national de protection de la patrie, ou CNSP, existe au Niger depuis le 26 juillet, jour de l’arrestation du président Mohamed Bazoum. Les mois passent et le thème de la Patrie ne montre aucun signe de déclin, bien au contraire, le patriotisme et les patriotes sont désormais des citoyens modèles à imiter. Le nouveau citoyen nigérian sera patriote ou pas du tout ! Comment ne pas penser aux années passées à l’école primaire et se souvenir des mouvements pour l’indépendance, des patriotes prêts à se sacrifier, des carbonari qui rêvaient d’un pays unifié. Se mélangent alors les combinaisons orchestrées par les régimes politiques de gauche qui combinaient, en les manipulant, la Famille, Dieu et la Patrie. Les tranchées de l’histoire et des colonisations occidentales ont été, bien souvent, la traduction géopolitique de telles juxtapositions. Puis le langage, miroir et écho de l’esprit du temps, utilisait des dérivés de patria, du latin pater. Le « pater familias », père de famille de la Rome antique, avec un droit insondable de vie et de mort sur ses enfants, le patriotisme et enfin le patriarcat. Cette dernière interprétée comme la cause de tout ce qui est oppressif dans la civilisation occidentale.
Notre père Pietro, le mari de notre père et de notre mère, a vécu la vie avec humilité car il a lui-même souffert très tôt de l’absence de ses parents. Jeune partisan dans les Apennins Liguriens-Parme pour lutter contre le fascisme nazi dominant, il s’est ensuite transformé en mari, père, ouvrier du bâtiment et délégué syndical de base. Sa vie n’a pas été aussi longue qu’elle aurait pu l’être. Son cœur a tenu jusqu’à l’âge de 56 ans jusqu’à ce qu’une nuit, il cesse de battre avec cette paternité qui, malgré les adversités, l’avait maintenu en vie. Avec son épouse, notre mère, il a vécu, partagé, attendu et espéré cet avenir qu’il avait entrevu dans les montagnes, touché à plusieurs reprises par la mort. Il s’est laissé surprendre par la vie comme si c’était la première fois que se produisait ce que vivait sa famille, dans sa sobre pauvreté. Une délicatesse conjugale, la sienne, dont notre mère, veuve depuis vingt ans, n’a cessé de se souvenir avec tristesse d’abord et joie sereine ensuite. Ils sont enterrés ensemble dans le cimetière champêtre non loin de l’église millénaire où ils se sont mariés, un dimanche matin de septembre de la même année.
Il n’y a pas cette continuité entre la patrie, le père et le patriarcat que l’on aimerait croire en Occident, où la paternité semble être passée de mode et de statut. La crise de l’identité des pères, telle qu’elle a été conçue et systématisée dans le passé, semble irréversible également parce qu’elle est liée aux changements de l’identité des femmes dans le cadre de l’autonomie croissante sur leur propre corps. Une société sans pères dignes de ce nom, avec un rôle à réinventer, serait une tragédie et créerait le même désastre qu’une société sans mères. Il y a des pères qui disparaissent et d’autres qui s’enfuient au moment où on en a le plus besoin. D’autres ont le sentiment que le pouvoir du passé est passé comme du sable entre leurs doigts et qu’ils ont perdu les certitudes du passé. Donner un visage à la paternité devrait être l’un des projets les plus urgents et les plus décisifs de notre époque. Sans cette tentative, il semble illusoire ou trompeur d’enseigner et de réciter la prière du Dieu Père avec vos enfants.