Bénédictions du Sahel

m.armanino . 06/02/2024 . Temps de lecture : 3 minutes

Comme tout ce qui nous concerne, même les bénédictions sont faites de poussière, ou plutôt de poussière de vent. Ces derniers jours, à Niamey la capitale et ses environs, ils sont de retour. Le vent qui amène la poussière du désert qui se rafraîchit la nuit et tôt le matin. Les après-midi sont ensoleillées mais pas excessivement car nous sommes dans la saison de l’Harmattan, terme anglais adapté des langues locales. Le vent apporte des bénédictions là où on les attend le moins, dans un Sahel imprévisible par nature.

Les enfants de Makalondi, ville située à une centaine de kilomètres de la capitale, sont bénis. L’autre jour, ils sont allés à l’école et ont trouvé les écoles fermées parce qu’il n’y avait pas d’enseignants. Ils ont été menacés du même sort qu’un de leurs collègues, qui a été kidnappé et tué par des hommes armés qui prétendaient connaître le domicile de tous les enseignants. Pourtant, l’armée est stationnée dans cette ville et a du mal la nuit à assurer la protection des milliers de citoyens déplacés dans la zone.

L’autre bénédiction s’est produite hier, vendredi, au cimetière chrétien de la capitale, autour d’une croix de fer plantée dans le sol. Sur la tablette de fer soudée à la petite croix figure le nom de Godwin Monday, Nigérian. Né lundi il y a 46 ans, il est retourné vers la terre promise qu’il cherchait au Bénin, en Ethiopie, au Kenya, à Dubaï des Emirats Arabes Unis et enfin au Niger de Niamey où la tumeur au visage l’emportait avec les traitements qu’il suivait. Dieu aurait gagné.

Ils sont alors bénis, clandestinement ou pour mieux dire « illégalement », les migrants qui ont exploré les possibilités infinies de voyage au Sahel. Le régime militaire au pouvoir depuis le coup d’État de juillet dernier a décidé d’abroger la loi sur les migrations, faite à l’image et à la ressemblance de l’Union européenne. Cette loi, depuis 2015, avait choisi de « criminaliser » ceux qui ont collaboré à l’aventure migratoire pour mieux nier le droit à la mobilité des migrants.

Il n’est pas rare que cette bénédiction arrive tard. En Méditerranée centrale, plus de 2 800 migrants sont morts en mer en 2023 et dans le désert personne n’a pu aller enquêter car tout était militarisé, notamment les traces connues des conducteurs. Entre-temps, la république italienne convoque les États africains, leur assurant que, inspiré par Enrico Mattei, inventeur de l’ENI, le projet d’externalisation de la détention et du contrôle des migrants sera sur le modèle italien de l’Albanie.

Mais la dernière bénédiction au Sahel, c’est bien sûr le sable. C’est la meilleure métaphore et image du peuple. Elle, le sable, est patiente, résistante, silencieuse, gémit, persiste, s’adapte aux régimes qui la traversent et recouvre tout, à la fin, d’une couverture que le temps sédimente. Comme on le sait, le ciel et la terre passeront mais elle, le sable, restera comme l’unique témoin du peuple béni par le vent de l’espérance.

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