Et le bateau s’en va. Navigation au Sahel

m.armanino . 13/03/2024 . Temps de lecture : 3 minutes

Où est inconnu. Il est difficile de dire où va le bateau de sable qui a appareillé l’année dernière, en juillet après le coup d’État. Navigation interrompue pour cause de mutinerie, reprise et orientée vers une destination inconnue de la plupart. La période du Ramadan qui tombe à cette période apparaît propice aux questions de fond. La prière, le jeûne et surtout les œuvres de charité caractérisent le chemin des fidèles qui se reconnaissent dans cet itinéraire spirituel et social. Naviguer en demandant où l’on va apparaît comme une exigence pour les passagers du voilier que l’esprit de pénitence invite à la sincérité et à la vérité. Le plus simple semble être d’adresser la question au capitaine du navire. Même dans ce cas, rares sont ceux qui auraient la réponse qu’ils recherchent. L’équipage montre l’horizon aux gens car le capitaine semble introuvable.

Il y a ceux qui prétendent connaître la destination de la navigation et ceux qui n’ont pas peur de partager les détails de l’île vers laquelle se dirigerait le bateau en question. Selon certains, cette terre semble couler du lait et du miel car, finalement, la souveraineté serait le seul moyen d’assurer la sécurité aux frontières bien défendues par des tours de poussière que le vent rend imprenables. Ils semblaient naviguer dans un monde différent, semblable à celui que les pères de la nation avaient conçu dans leur naïveté. Au cours du voyage, les signes avant-coureurs ne manquaient pas quant à ce à quoi ressemblerait l’île vers laquelle ils se dirigeaient vraisemblablement. Entre-temps, à bord du navire, la vie politique conventionnelle, celle des partis et des élections régulières, avait été suspendue jusqu’à nouvel ordre ainsi que la charte constitutionnelle.

Cependant, les échanges informels entre amis, supporters, passagers et même équipage ont été encouragés. Les nouvelles du monde extérieur au navire étaient judicieusement sélectionnées et les voyageurs semblaient satisfaits de ce que fournissait la radio de bord, qui jouait constamment. En fait, de manière tout à fait informelle, un bureau ou un ministère des « vérités » utiles, possibles, probables ou inacceptables avait été créé selon le sujet abordé. Les pirates, les commerçants et les vendeurs de rêves ne manquaient pas dans la navigation. Cette dernière avait d’ailleurs réussi à se tailler une part importante du marché de l’écoute. Lors de longues nuits calmes, sous une lune complice, les vendeurs ne manquaient jamais d’oreilles attentives à leurs histoires pleines d’avenir. Ils ont assuré au public que sur l’île lointaine ils trouveraient tout ce qui leur avait été refusé et dont ils avaient pleinement le droit de jouir.

Ce dont ils avaient été ignoblement dépouillés deviendrait leur propriété. Un monde libre où la dignité et la justice pour tous deviendraient la seule loi. Quant aux pirates et aux marchands d’armes, ils faisaient tous deux partie du système qu’ils prétendaient seulement combattre. Pendant ce temps, l’île en question, désirée et redoutée, semblait s’éloigner et se rapprocher à la fois selon le regard du mousse qui fait office de vigie. Lui-même, tôt un matin, repéra ce qui lui semblait être une bande de terre. Il a commencé à crier d’excitation pour réveiller le capitaine et les membres de l’équipage. Peu de temps après, cependant, à sa grande déception, il se rendit compte qu’il s’agissait de groupes de naufragés pendus à des canots de sauvetage. L’un d’eux, embarqué, raconta que son navire avait abandonné l’île où ils croyaient trouver le nouveau monde.

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