Le rapport, intitulé « Prévalence des médicaments de mauvaise qualité, falsifiés, non autorisés et non enregistrés et des facteurs associés en Afrique : une revue systématique », est le résultat d’une recherche menée par une équipe de scientifiques de l’Université Bahir Dar, en Éthiopie. Leur étude a méticuleusement analysé et consolidé les données provenant de 27 études nationales réalisées dans divers pays africains.
Les résultats sont dévastateurs : sur un total de 7 500 échantillons de médicaments examinés, 1 639 n’ont pas réussi au moins un test de qualité, se révélant donc être de mauvaise qualité ou contrefaits. Le phénomène varie drastiquement d’un pays à l’autre : alors qu’au Gabon seulement 0,5 % des médicaments examinés se sont révélés non conformes aux normes de qualité, la situation au Malawi est catastrophique, avec une prévalence de médicaments de mauvaise qualité ou contrefaits atteignant 88,4 %. Le Ghana et le Togo ne sont pas loin de ce scénario dramatique, avec des pourcentages de 75 %.
Ce marché noir dangereux de médicaments altérés ne se limite pas à quelques catégories. Les antibiotiques, les antipaludiques, les antihelminthiques et les antiparasitaires sont les médicaments les plus fréquemment trouvés comme étant de mauvaise qualité ou contrefaits, alimentant une crise sanitaire de proportions de plus en plus vastes.
Les causes de cette urgence sont multiples et entrelacées : faiblesse des régulations locales régissant la distribution des médicaments, croissance incontrôlée du libre-échange, insuffisance d’enregistrement des produits et demande croissante de médicaments dans une région dévastée par des maladies endémiques et des conditions sanitaires précaires. Les normes d’importation médiocres permettent également aux produits pharmaceutiques dangereux d’infiltrer facilement les systèmes de santé déjà fragiles de la région.
Claudia Martínez, responsable de la recherche à la Access to Medicine Foundation, une organisation à but non lucratif basée à Amsterdam, a décrit les résultats comme « une crise sanitaire urgente ». « Lorsque les patients reçoivent des médicaments de mauvaise qualité ou complètement falsifiés, non seulement le traitement peut échouer, mais cela risque de causer des décès évitables », a-t-elle déclaré avec préoccupation.
Les conséquences de ce problème sont tragiques. Selon les données publiées en 2023 par le Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), les médicaments contrefaits et de mauvaise qualité sont responsables d’environ 500 000 décès chaque année en Afrique subsaharienne. Ce chiffre dramatique ne représente que la partie émergée de l’iceberg d’une crise qui menace de coûter encore plus de vies si des mesures urgentes ne sont pas prises.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les médicaments contrefaits comme ceux dont l’identité, la composition ou la source ont été délibérément ou frauduleusement altérées pour tromper le consommateur. Cependant, les médicaments de qualité inférieure présentent des problèmes tout aussi dangereux : dosages incorrects, ingrédients actifs instables ou inefficaces et conditions de conservation inadéquates qui compromettent gravement leur efficacité.
Derrière ces étiquettes scientifiques se cache une réalité terrible : des hommes, des femmes et des enfants se voient privés de leur droit fondamental à la santé. Ils reçoivent des médicaments qui, au lieu de les soigner, aggravent leur souffrance. L’Afrique, déjà ravagée par la pauvreté, les maladies et les conflits, est désormais prise au piège dans une guerre silencieuse contre un ennemi invisible mais létal : les médicaments contrefaits.